samedi, décembre 02, 2006

Abus de confiance



"Je n'ai rien à cacher, mais là, trop, c'est trop. Mon livre, Clearstream, l'enquête, a débloqué l'autre enquête, celle des juges. Je trouve profondément injuste d'être aujourd'hui mis en cause."
Denis Robert est remonté. Non pas comme une horloge suisse qui sonne l'heure avec précision. Mais comme un mécanisme dont on a tourné la clef à outrance et qui lâche, qui lâche, qui déploie le trop plein d'énergie accumulée.

Mercredi 29 novembre, devant les journalistes réunis au Club de la presse de Lille, il explose. Il a appris trois jours avant sa mise en examen pour recel d'abus de confiance. "Il y avait prescription sur le recel de viol de secret bancaire, ils ont dû trouver autre chose. Avec ce genre de raisonnement, vous achetez un bouquin [NDLR : sur l'enquête Clearstream] et vous devenez à votre tour receleur : il y a des listes dedans." Pour l'auteur, c'est symptomatique de notre démocratie. Moins d'espace de liberté, une censure remise au goût du jour. "Mon livre [Clearstream, l'enquête]a été retiré de la vente du 9 juin au 3 juillet 2005. Des types sont entrés dans des librairies pour retirer mes bouquins! On avait pas vu cela depuis la guerre d'Algérie."

Si Denis Robert est mis en cause, c'est suite à la plainte de Dominique de Villepin. "Etre premier ministre faire un truc comme cela, c'est jouer petit bras. Je ne suis qu'un zonard qui a écrit un bouquin, c'est tout. Que le chef du gouvernement attaque quelqu'un dont le seul but est d'informer les gens est une attitude désastreuse pour la liberté de la presse."

La presse qui ne le suit pas toujours. Alors qu'elle ne s'intéresse qu'assez peu à son cas, il fait "la une sur l'Internet depuis dix jours." Sur Agoravox notamment, où il a lui-même publié un article. Un comité de soutien s'est monté pour le soutenir. Une pétition est lancée. L'écrivain donne régulièrement des nouvelles sur son blog. Bref, la Toile jour pleinement sont rôle de réseau, de culture alternative et de média citoyen.




On apprend ce samedi que Dominique de Villepin sera entendu comme simple témoin par les juges Pons et d'Huy. Cela signifie qu'aucune charge ne sera retenu contre lui. Assez décourageant. Alors pourquoi ne pas prendre les choses avec humour? On savait Denis Robert ex-journaliste, écrivain. Il faut maintenant savoir qu'il est aussi artiste. Artiste de Kombart. Par exemple avec les deux toiles réalisées à partir de de listing de Clearstream visible à la sixième page de Domination, ouvrage sorti avec le peintre Philippe Pasquet. Un livre oeuvre d'art associant toiles et textes. Des mots kombatifs, des mots salvateurs, des mots vrais tout simplement. Bref, une révolte dans un monde aseptisé.

Extrait de Domination


Torture

On joue avec les mots. Et avec les morts. Les propriétaires de journaux, de radios, de télévision instillent une idéologie faite de renoncements. Des vendeurs d'armes, de béton, de pétrole, de tuyaux, investissent des fortunes pour nous informer. Dans quel but? Entre autre, celui de nous imposer, comme nouvelle forme de religion, cette loi des marchés financiers devant lesquels la seule posture admissible est la génuflexion. On nous explique que pour être concurrentiels, les groupes français puis européens doivent s'unir. Ces concentrations impliquent forcément des compressions de personnels. Et logiquement de la fabrication de SDF, à durée de vie limitée. Leur croissance, agitée comme un fier étandard, est un mirage. Il s'agit d'une réduction de coûts. Dans nos sociétés boursières, on est prié de ne pas dire liquidateur mais repreneur, agent de consolidation mais présentateur de journal télévisé, corvéable mais flexible, licenciements mais plan social, crève la faim mais SDF, mort mais disparition ou mieux : lente destructuration.



Philippe Pasquet
Domine, 2005
Acrylique/collage sur toile et papier