L'Italie vient de renoncer à introduire un délit de "négation de la Shoah", sous la pression de 150 chercheurs. Au delà du fait qu'une loi mémorielle revient à établir une vérité historique d'Etat, elle ouvre une porte vers tout type de dérive. A commencer par la poursuite d'historiens à des fins partisannes. Toute thèse négationniste tombe face à l'examem d'une méthode historique rigoureuse. Au contraire, un historien honnête peut se faire trainer devant les tribunaux pour des motifs politiques sans rapport avec la recherche historique. Olivier Pétré-Grenouilleau, brillant agrégé d'histoire, en est l'exemple type. Affirmant, avec raison, que l'esclavage n'était pas un génocide, il avait dû faire face à une plainte du "Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais" pour négation d'un crime contre l'humanité.
Face l'ingérance pesante des tenants du devoir de mémoire, les historiens se sont unis le 12 décembre 2005 pour condamner les lois mémorielles (Gayssot, sur le génocide arménien, Taubiera et Mekechera). Retour sur le texte Liberté pour l'histoire:
Emus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l'appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons à rappeler les principes suivants :
L'histoire n'est pas une religion. L'historien n'accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.
L'histoire n'est pas la morale. L'historien n'a pas pour rôle d'exalter ou de condamner, il explique.
L'histoire n'est pas l’esclave de l'actualité. L'historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n'introduit pas dans les événements d'autrefois la sensibilité d'aujourd'hui.
L'histoire n'est pas la mémoire. L'historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits. L'histoire tient compte de la mémoire, elle ne s'y réduit pas.
L'histoire n'est pas un objet juridique. Dans un Etat libre, il n'appartient ni au Parlement ni à l'autorité judiciaire de définir la vérité historique.
La politique de l'Etat, même animée des meilleures intentions, n'est pas la politique de l'histoire.
C'est en violation de ces principes que certains articles de lois successives – notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 – ont restreint la liberté de l'historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu'il doit chercher et ce qu'il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. Nous demandons l'abrogation de ces articles indignes d'un régime démocratique.